Vin et digital, une relation faite pour durer ?

Depuis quelques années fleurissent sur internet de nouvelles initiatives, participant à mêler vin et digital, comme deux entités communes. Pour autant, on observe une réticence assumée de la part des acteurs du marché, d’opérer cette transition. Un postulat lié à l’essence même du produit, mais aussi et surtout à la valeur culturelle qu’il revêt en France.

Et si il y a une chose dont le français est fier, c’est bien son terroir. Une richesse, ancrée depuis longtemps dans notre culture qui définit, à elle seule, un « savoir-vivre ». Ce n’est pas anodin que le français, vu de l’étranger soit caractérisé par ces deux attributs, la bouteille de vin et la baguette de pain. Une image, relevant du clichée, et qui malgré l’évolution de nos modes de consommation, nous colle à la peau depuis des siècles. Au fond, c’est plutôt flatteur, que d’être représenté par ces produits, chargés d’histoires, qui ont traversés les siècles, en s’adaptant constamment aux évolutions successives des différents âges. Quand certaines coutumes disparaissaient, ces dernières, comme un coquillage agrippé à son rocher, restaient bien cramponnées. Et c’est peut-être ce qui fait leurs forces, d’avoir su traverser les époques, en s’adaptant constamment aux innovations matériels ainsi qu’à nos comportements, évolutifs.

Le digital, dans la grande histoire sera sans doute considéré comme le marqueur fort d’un changement d’ère. Il y a eu l’imprimerie au XVe siècle, il y aura désormais le numérique au XXIe siècle. Ainsi la culture de la vigne, bien que ancestrale doit à son tour s’adapter à ce nouveau médium. Vin et digital, ne sont qu’au début d’une longue collaboration. Un mariage forcé, certes, mais un mariage qui peut apporter beaucoup à l’économie du vin. Non seulement, le numérique instaure, un nouveau modèle de communication, mais permet aussi, grâce à l’acquisition d’une multitude de données, de pouvoir améliorer sa productivité (voir notre article sur le big data). Il reste donc tout à faire pour cette économie, qui pêche peut-être par son ancienneté.

De nos jours, l’individu, peut difficilement se passer du numérique. Au travail comme dans la vie de tous les jours, son usage est devenu essentiel. Devant l’évolution de nos modes de consommation, comment la filière du vin doit elle se positionner, pour capter ce nouvel auditoire ?
Le vin, dans sa pratique, requiert un certain nombre de connaissances pour pouvoir pleinement l’apprécier. Le premier axe d’innovation se trouve donc dans cette accessibilité, celle de l’information autour du vin. Un marché, énorme, quand on se réfère au nombre croissant de gens qui se passionne pour le vin. En France, ils sont près d’un tiers à s’y intéresser. Et internet se place en 3e position des sources d’informations consultées. Ce qui est trop peu, quand on connaît ces proportions, presque infinies.

Pourtant, le rapprochement entre vin et digital a déjà eu lieu sur les réseaux sociaux. Ceux-ci rentrent d’ailleurs souvent en ligne de compte, lors de la recherche d’informations autour du produit, 25 % des consommateurs affirment être abonnés à des pages sur le vin, tandis que 20% d’entre eux postent des contenus liés à leur dégustation. Dans l’un des lieux où le vin est le plus consommé, le restaurant, 7% des français disent se renseigner sur un vin via leur mobile. Ce chiffre double chez les milléniaux. Les professionnels, ont donc tout intérêt à s’adapter rapidement à ce médium, et à en retirer de nombreux avantages : une visibilité et une notoriété accrue et un potentiel de vente décuplé. Vin et digital sont ainsi fait pour s’entendre durablement à l’avenir.

Internet peut aussi contribuer à résoudre un problème de taille, quand à la multitude d’intermédiaires qui sépare aujourd’hui le vigneron du consommateur, à savoir les grossistes, les négociants et les revendeurs. De surcroît, le consommateur à un désir grandissant d’en savoir plus sur l’histoire de la bouteille qu’il consomme. Et on sait que ces précieuses informations participent pleinement à l’appréciation du vin, pouvant aller de simple précision sur les cépages utilisés, jusqu’à l’atmosphère du lieu où a été produite la bouteille. Cette imagerie faisant appel par conséquent à la notion de ressenti, peut parfaitement être adaptée sous une forme virtuelle.

L’utilisation de plus en plus fréquente du storytelling dans la stratégie marketing des marques de luxe, constitue l’exemple ultime pour communiquer sur son identité, tout en faisant appel à cette notion de ressenti. Plus généralement, de par la singularité et la rareté de ses produits, le secteur viticole, à de nombreux atomes crochus avec le milieu du luxe et peut s’inspirer des stratégies marketing, de ces marques, qui n’ont plus à prouver, leur expertise, en matière de communication. Une fusion entre vin et digital nécessaire pour s’adapter à cette nouvelle clientèle, désireuse d’accéder à l’information plus facilement.

Certains professionnels de la filière ont déjà commencé à opérer cette transition. A travers notamment la création de plateformes e-commerce, contribuant à rapprocher le client du producteur. Une nouvelle méthode d’achat bienvenue, pour ces consommateurs qui n’ont plus nécessairement de temps à consacrer à cette distraction. C’est bien la mécanique d’achat, qui est au centre des préoccupations des acteurs du marché : Comment réussir à transmettre sur le web, l’achat physique, qui faisait jusqu’alors le charme du vin ? Tout l’enjeu de l’association entre vin et digital se retrouve dans ce postulat, celui de parvenir à recréer un cérémonial de vente ludique.

En cela, l’initiative des « Wine box » est un bon exemple d’innovation en matière d’achat et de consommation du vin. Après avoir répondu à un ensemble de questions sur ses goûts (vin bio, petit producteur, vin de table, appellation, cépage, région, grand cru), l’abonné reçoit chaque mois, chez lui, une box contenant des bouteilles susceptibles de lui plaire. Une nouvelle proposition qui permet par la même occasion de fidéliser une clientèle, dans un secteur où la concurrence est rude.

Ces start-up, tentent peu à peu d’intégrer le secteur, mais se heurtent trop souvent à la lenteur du marché. Avant de pouvoir proposer des idées neuves en matière de communication et de vente, elles doivent avant tout convaincre, mais comment faire pour se faire entendre quand sa structure est si réduite ? Cette raison poussent certaines d’entre elles à se regrouper sous forme de collectif, afin d’acquérir davantage de visibilité et de poids dans l’industrie. C’est le cas de Wine StartUps, qui se consacre depuis sa création à combiner vin et digital, à travers des propositions innovantes, comme l’application smartphone d’assistance à la dégustation, ProGusto.

Le secteur, semble pâtir comme le luxe il y a quelques années d’une trop grande timidité. Non pas que la filière du vin rechigne à opérer sa transition digitale, mais les caractéristiques du produit, hétéroclite dans sa qualité et sa valeur, complexifie sa commercialisation. La solution à cette problématique se trouve au cœur même de l’identité du produit. Les entreprises du secteur doivent donc bien définir celle-ci avant de pouvoir prétendre à la transmettre sur le médium digital. Un exercice qui demande patience et réflexion. L’importance de cette phase est donc primordiale et ne peut être sous-estimé, au risque de desservir la valeur même de la marque.